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Et pis ça, c'est pour le plasir :
Cauchemar
C’était écrit partout. « La Crise », en grosses lettres, de plus en plus grosses, de plus en plus rouge, voir même clignotantes, avec une sirène à te vriller les tympans qu’au bout de trente secondes, t’as le cerveau qui saigne. La crise partout qui te saute à la gueule façon Alien, qui promet de te bouffer le foie et les tripes avant de te laisser agoniser dans le fossé. Plus d’oseille. 2 moufflets à nourrir, les factures qui montent qui montent, le découvert qui descend et le banquier qui gueule comme un pot de détente sans silencieux au bout de la ligne droite des stands. Pas de boulot, rien en vue, pas même les poubelles à vider ni la merde à ramasser. Rien de rien. Sueur froide à en claquer des dents dans un vent de panique façon scary movie, tétanisé par l’angoisse. Les Raisins de la Colère version post-moderne . Trouver à bouffer, trouver du pognon et vite. Une seule solution vendre. Vendre quelque chose, n’importe quoi. La baraque ? Chuis locataire. La bagnole ? Avec le crédit, me restera rien, et de toute façon l’huissier devrait pas tarder à passer la chercher. La remorque, le vélo du gosse, le gosse, les poissons rouges, un organe ou mon corps tout entier, la gazinière ou la perceuse à percussion ? Et puis vient l’évidence, vendre le seul truc qui a un peu de valeur. Le seul truc qui compte. Vendre le truc qui trône dans mon garage. Vendre mon Cafra... Non !!
Bin si. Parce que pas d’autre soluce, inévitable et ridicule à la fois. Un pansement sur une jante en bois, parce que ça va juste boucher le trou, voir permettre de tenir un mois de plus. Et après ? Passer une annonce... Putain, passer une annonce pour vendre mon Café ! Pourquoi pas mon âme au diable, non plus ? A choisir, j’aimerais mieux, mais depuis Faust, ça vaut plus une thune. Le calvaire, rédiger l’annonce. Faire la description d’une pièce unique, itinéraire d’un truc façonné à la main depuis plus de 10 ans. Un inventaire faramineux, pyramidal. Par quoi je commence ? le moteur, la partie cycle, la peinture, les jantes alu, les suspattes, les culasses ou les cale-pieds ? Juste pas possible pas pensable. Je peux pas lui faire ça, pas à mon Café, ce truc auquel j’ai juré, entre deux clés à pipe la main droite posé sur l’étau au bout de l’établi, de vivre éternellement avec jusqu’à la fin de ma mort.
Passer une annonce... J’arrive même pas à croire que j’en sois là. J’arrive même pas à m’y mettre. Chaque fois que j’écris une ligne, un mot, j’ai les images qui reviennent du moment où j’ai monté telle pièce, changé telle autre, la dernière intervention, le boulon récalcitrant, les vidanges et les coups de chiffon. Et les images des virées, de la route, des paysages, des galères et des moments d’illumination intense. C’est pas une bécane, c’est un morceau de moi-même. J’ai l’impression d’être dans la situation du type qui s’avale une boîte entière de Doliprane pour se suicider. Le type qui n’y croit pas 2 secondes, le type qui veut juste faire un signe, envoyer un message, juste dire aux autres qu’il est en train d’avoir envie de crever, mais qu’il ne va pas y arriver, que c’est le geste qui compte. Avec, pour toute séquelle, une sale gueule de bois en carton bouilli le lendemain. Ajouter les 3 photos, et cliquer. Et hop, partie sur la toile cirée de l’Internet. Ma bécane glisse sur Google comme un bobsleigh dans son tuyau. Je peux toujours pas y croire. Ça n’intéressera personne. C’est bien trop spécial comme meule. Pas possible. Les motards préfèrent du neuf, du brillant, du plastoc, de la BMW à 17 000€, ou du 750 Z à 3500.
Trente minutes montre en main, j’te jure, le téléphone. « Allo ? c’est pour l’annonce... Elle est toujours dispo ?» Faut vraiment que je dise oui, là ? Un autre tube de Doliprane, peut-être ? Je me laisse balader par le client, emmener par le questionnaire, je réponds mollement, sans conviction, par oui ou non. J’aime pas sa voix, à ce type. Pas envie et pas le choix à la fois, une p’tain de boule dans la gorge grosse comme un cancer généralisé de l’arrière train. Méga envie de dégueuler, et rendez-vous pris pour maintenant. Tout de suite. Dans un quart d’heure, le type est là avec la remorque. Il habite à 3 bornes, le con, c’est pas possible, il ne va même pas me laisser le temps de lui dire au revoir, d’aller faire un dernier tour avec, même pas le pâté de maison. Si ça se trouve, je le connais, il me guettait, convoitait, complotait, attendait sournoisement que je craque. C’est une ordure, c’est sûr. Un type qui mérite sûrement pas MA meule. Peut-être même qu’il connaît mon ex-patron, m’a fait virer de mon boulot pour m’obliger à vendre. Je raccroche le téléphone, complètement ratatiné. Décalqué version papier mâché tassé sur mon tabouret. Aussi sec, ça sonne à la porte. C’est pourtant pas le moment de me faire chier. J’ouvre : une sale tronche de mec désagréable, genre fort en gueule, surtout l’odeur « C’est moi, je viens pour la bécane » Un mauvais sourire plein de dents pourries. Un sourire qui tourne au rire saccadé bizarre, puis cynique, puis grave caverneux. C’est quoi, ce type ? J’suis où, là ? Dans le clip de Michael Jackson ?
C’est à ce moment-là j’ai fait un bond monumental dans le plumard. Réveillé en sursaut et en sueur, trempé à tordre et frigorifié façon Parkinson. Ma moitié a juste marmonné ce que je foutais, avant de se retourner de l’autre côté. J’ai pas répondu, on pose pas ce genre question à un type qui vient de voir partir son jouet ultime chez les morts-vivants. 4:37, putain de cauchemar, putain de nuit, fait encore noir, c’est pas l’heure d’aller bosser, merd ! la tronche en vrac, aller boire un coup de flotte et pisser. Mais avant d’aller finir ma nuit roulé en boule dans le canapé, j’ai quand même fait un détour par le garage. Vérifier qu’elle y est toujours. Je me méfie, avec ces conneries prémonitoires.
Déd’n Dèche
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Mon père avait son pote André qui bossait à GdF. "C'est Dédé, du Gaz" qu'il disait. Pourtant, faisait pas de moto, ce gars là...
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Ben mon Dédé!
