Vigile, mon ami...
Je viens de boucler mon casque, la clef est dans le contacteur, je suis en train de mettre mes gants. Je magne avant l’averse. Parking de supermarché, je sors d’une grande enseigne du sport comme il en existe 2 en France, devine laquelle. Je vais pas leur faire de la pub, non plus. Le type me tape sur l’épaule.
- Ouvrez votre sac à dos, s’il vous plait.
Chemise blanche avec un écusson sur l’épaule, cravate bordeaux moche et tronche de fion, c’est le vigile du bouclard qui tente une interpellation héroïque. Un mec qui sort du magasin avec un casque à la main et un sac sur le dos, sans être passé à la caisse, tu parles si c’est suspect. Forcément. Du pain bénit. Même si j’ai pas fait sonner la moindre alarme en passant la porte.
Y avait longtemps, tiens. J’ai perdu l’habitude et la patience qui va avec. Et là, d’un coup, ça me gonfle force 12. Y a tout qui remonte, cette suspicion, la stigmatisation systématique. Je m’emballe. Est-ce que, par hasard, j’aurai une tronche de voleur ? comme d’hab’, le port du casque doit largement suffire à m’estampiller en 1ere classe. Je fulmine dans l’intégral, de la moutarde plein les trous de nez et strictement rien de répréhensible dans mon sac. Faut que j’évite de partir en vrille, de me chauffer la gueule avec un type éventuellement surdiplômé en baston de chiffonnier. Je lui tends mon sac à bout de bras. J’y mets tout mon mépris.
- Allez-y, fouillez, retournez tout, videz tout, vous gênez pas.
- Ouvrez-le.
- Non. Si vous voulez fouiller, démerdez-vous.
- Ouvrez-le.
Il ne touche pas à mon sac. Il a l’air d’une poule qui vient de trouver une tige de culbu. On dirait que l’emmerdement change de camp. Je tiens bon.
- Hors de question. J’ai rien à me reprocher
- Ouvrez-le. J’ai pas le droit de le faire moi-même.
Tiens donc... Pas le droit d’ouvrir mon sac, bien bonne celle-là ! Y aurait-il une loi à ce sujet, dans ce pays ? Tiendrais-je la faille infaillible ? Le truc qui va me permettre de gentiment l’envoyer se faire traire et me faire un grand plaisir. Bingo, j’insiste dans le lourd.
- Alors, j’attends, là ! Vous voulez me fouiller, oui ou non ? Je suis un voleur, ou pas ? Faites votre boulot !
- Ouvrez-le. C’est la dernière fois.
- Vous voulez pas l’ouvrir ? Moi non plus. Au revoir...
Je remets mon sac sur le dos. Le type est dingue de rage et de frustration, les yeux en mode plein phare doublé warning. Il recule de 2 pas, sent qu’il va devoir partir la queue entre les jambes. Et ça, c’est pas du tout dans son code génétique de pit-bull à pédigré.
- Toi, t’as pas intérêt à remettre les pieds dans le magasin
- Vous me menacez, en plus ? Vous voulez que je porte plainte ?
Cette fois, il se barre, marche vite, se retourne, tente un retour, et puis non, m’apostrophe encore de loin. J’entends plus. Il s’agite, me menace du doigt. Je rigole. Les gens sur le parking nous regardent, lui puis moi, un peu éberlués. Lequel est le méchant ? Le casqué ou le pseudo keuf ? Va savoir. En tout cas, je viens d’en apprendre une bonne. Personne n’a le droit d’ouvrir ni de t’obliger à ouvrir ton sac en dehors d’un magasin. Faut juste un peu d’aplomb pour aller jusqu’au bout. Surtout si t’as rien dans ton sac.
Ded', serial motard
_________________ Mon père avait son pote André qui bossait à GdF. "C'est Dédé, du Gaz" qu'il disait. Pourtant, faisait pas de moto, ce gars là...
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