Voxaniennes, Voxaniens,
Ces jours sont difficiles pour la Voxanie : les "expatriés", comme moi qui vivent Voxan par passion dans leur région lointaine ; les "Voxaniens du cru", qui ont vécu avec Voxan dans la Voxanie natale, et pour la plupart accompagné Voxan dans son histoire ; et enfin les Voxaniens qui y travaillent (laissez-moi encore l'écrire au présent) et qui ont donné à Voxan des lettres de noblesse qui sont désormais inscrites au feu dans l'histoire de la moto en France (notez bien, je n'ai pas dit : "de la moto française", sauf le respect de Vadimof et de ses compères). Tous ont deux phares pour les guider et les rassembler (le premier qui dit : "une speed triple", il sort) : un moteur à 72°, et un club, tous deux strictement indisociables de la marque. Le trio gagnant comme en zéro pendant Jésus-Christ.
La décision d'un tribunal, pour "de commerce" qu'il soit*, est un évènement lourd, tant émotionnellement que pratiquement, car il donne la "voix de l'État", la décision officielle de notre pays et de notre société sur nos actes. Et l'État a jugé : Voxan ne peut plus vivre, il faut l'abattre.
Inutile de revenir ici sur le contexte économique qui a aboutit à cette situation, d'autant que de ma lointaine région je n'ai pas la connaissance de ceux qui l'ont vécu au quotidien, qui ont vu leur environnement changer et qui ont changé eux-même leur façon de travailler à plusieurs reprises pour tenter de s'adapter et de faire face. Nous savons qu'ils sont allés de l'avant par passion plus que par nécessité alimentaire car les produits de leur travail sont des chefs-d'oeuvre que nous savons tous apprécier à leur juste valeur, et pour ma part au quotidien. Mais il faut croire qu'être des génies dans la construction d'une moto ne suffit pas à faire vivre une entreprise car ils ont traversé des situtations économiques difficiles et la dernière semble être la plus déliquate de toutes, car l'État est allé jusqu'au bout de sa démarche. Je vous laisse également vous remettre en mémoire cette dernière étape en consultant
http://www.vadimof.fr/ et
http://www.motomag.com/, mais retenons que deux candidats étaient sur les rangs pour la reprise de Voxan, tous les deux sérieux (c'est mon avis, n'en déplaise au détracteurs de l'un ou de l'autre) et ayant des projets cohérents, bien que totalement différents.
Autant vous le dire tout de suite, ma préférence va (toujours) au projet d'Éric Barbier, soutenu par la FIL, car il prévoit un apport financier largement suffisant - et garanti par un fonds luxembourgeois : vous avez déjà vu une banque luxembourgeoise faire faillite, vous ? - et qu'il est résolument orienté vers le motocyclisme :
- participation à des compétitions, seul moyen de mettre les machines sous stress et de recueillir l'expérience nécessaire à leur amélioration (si, si, on peut améliorer des Voxans !), à l'exemple du DDT,
- communication orientée sur l'image de marque "haut de gamme" (au sens "qualité") indispensable pour le rayonnement de Voxan,
- extension de la gamme à des modèles "mini-72" pour la rendre plus accessible, à l'instar des Guzzi Breva 750, je pense.
Néanmoins, le projet Sodemo apporte une vision à mon avis indispensable : celle de la transition du thermique vers un nouveau mode énergétique. À mon sens les projets sont plus complémentaires qu'antinomiques et il est dommage que les candidats n'aient pas trouvé un terrain d'entente pour faire front commun.
Pour toutes ces raisons, la décision du tribunal est surprenante, et ne s'explique à mon sens que par une méconnaissance de la "Voxanie" de la part du juge. Je ne suis pas bien placé pour remettre en cause les raisons ayant appuyé ce jugement**, mais il suffit de voir la stupeur - ou au moins la perplexité des Voxaniens et des candidats pour sentir que toutes les conditions étaient réunies pour qu'il en soit autrement. L'affaire n'est toutefois pas terminée et je dois personnellement remercier la Sodémo d'avoir fait appel, l'impact médiatique est très important et suscite l'espoir. Je regrette en revanche l'absence de soutien étatique pour notre marque préférée, et l'exemple de Gima n'est pas pour me rassurer. J'ai conscience que ce n'est pas forcément le rôle de l'État de soutenir des entreprises, bien qu'il puisse au moins donner son avis avant qu'une décision soit prise - peut-être cela a-t-il été le cas ? - mais en revanche, je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe d'amertume quand je mets le dernier chapitre de Voxan en parallèle avec la reprise de Renault dans les années quatre-vingts (les impôts de mes parents s'en souviennent encore) ou dans le plan de soutien des industriels automobiles au cours de la dernière crise financière (les impôts de mes enfants s'en réjouissent déjà). Le marché de la moto est bien plus sain que celui de l'automobile et les deux exemples mis côte-à-côte laissent pour le moins dubitatif.
Toutes mes pensées vont vers les employés de Voxan : gardez l'espoir, les gars, et la tête froide et sur les épaules (l'un n'empêche pas l'autre). N'oubliez pas :
Voxan populi, Voxan dei !
Kahën
* J'entends par là que ce n'est quand même pas du correctionnel ou du pénal...
**
http://www.maitre-eolas.fr/post/2005/12/16/252-pourquoi-on-peut-commenter-une-decision-de-justice